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    Depuis que j’écoute la voix de Mélanie sur la messagerie de son répondeur, je suis devenu, moi aussi, un autre homme. Je songe à nos années passées ensemble comme si je me remémorais un film vu il y a très longtemps au Ciné club. Bizarrement les scènes que je revois, je me demande si je les ai réellement vécues. Je navigue dans ma tête, avec la volonté secrète de faire la part des choses. Si bien que mon deuil devient jour après jour un long voyage. À force de partir à la dérive, on finit bien par atteindre une berge, un endroit où l’on a pied et où l’on peut se ressaisir et se laisser porter alors un peu plus loin. Les plus beaux périples sont ceux que l’on ne s’attendait pas à vivre. Voilà comment je parviens à dépasser ma douleur. Mes arrangements intérieurs sont des pansements que tous les jours je prends soin de changer. Et ce, afin qu’ils soient bien propres avant de commencer ma longue journée. À ce sujet d’ailleurs, j’ai attrapé cette sale manie-là, de vouloir, dès le matin, nettoyer la maison du sol au plafond. Je lutte en permanence pour ne pas me tuer à la tâche. Je dois compenser en m’arrangeant avec des astuces bancales mais que j’assume entièrement. Ai-je vraiment le choix ?

    (Extrait de Sa voix, courte fiction inédite)

     

     

     

     

     

     

     

     

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    Je suis dans le compartiment d'un train pris je ne sais où, seul, assis près d'une fenêtre aux rideaux orange, où juste au-dessus de ma tête, le néon fait des siennes. Je ressemble à un sursitaire avant son exécution. Le paysage extérieur ne parvient pas à me distraire, il est plongé dans la pénombre. Seule la vue des fils électriques fatigués pendant entre des poteaux qui défilent à vive allure derrière la vitre du wagon arrive à me donner un peu de réconfort : le jour n'est pas loin de poindre et avec lui la naissance d'un nouvel espoir.

     

     

     

     

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    L’herbe tondue de la nuit

     

     

    après les volets ouverts

     

     

    est une invitation

     

     

    à rester immobile

     

     

    les bras tendus

     

     

    en direction du jardin égaré

     

     

    et nerveux.

     

     

     

     

     

     

     

     

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    Un poème en a entraîné un autre, un plaisir en a fait naître un second et ainsi de suite sans que j'y puisse grand chose. J'étais encore adolescent, je veux dire, je n'avais même pas seize ans. Je venais de découvrir qu'il existait sur Terre un plaisir autre que celui de la chair. Une vraie révélation dont personne ne m'avait parlé au lycée. Et encore moins à l'école. J'ai le souvenir d'avoir été si fier d'une de mes constructions verticales en vers que j'ai subitement eu envie de ne plus dormir de ma vie. Je veux dire passer mon existence entière à écrire ce que j'avais retenu en moi depuis que j'étais tout petit. Je crois que je m'étais dit ce jour-là, Mais le mal-être de mon enfance venait donc de là : de mon impuissance viscérale à créer ? Je ne voyais aucune autre raison. J'étais un enfant heureux avec des poèmes en moins. Maintenant je le pense vraiment. Je m'amuse parfois à m'imaginer en train de composer des poèmes à l'âge de quatre ans, alors que je ne savais ni lire ni écrire.

     

     

     

     

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    Le premier poème que j'ai écrit, je ne l'ai pas gardé et je m'en veux. J'imagine qu'il devait être mauvais. Très mauvais. Un poème d'enfant parfois c'est très beau aussi. Mais le mien, je ne sais pas pourquoi, je sens qu'il devait être d'une nullité absolue. Ce que je n'arrive pas à savoir c'est comment l'idée d'écrire m'est venue. Ce n'est pas un hasard d'écrire un poème. Il y a tellement de choses plus spectaculaires et excitantes à entreprendre quand on est petit. J'ai certainement été touché par un texte. Si touché que j'ai voulu savoir si moi aussi je pouvais en faire autant. Je me connais. J'aimais la compétition. Mais j'étais mauvais joueur. Il n'y avait pas de livres chez moi. Alors c'est impossible que j'aie été influencé par la lecture d'un poème. Peut-être était-ce un texte que j'avais lu en classe alors ? Pourtant, la poésie qu'on étudiait en cours m'embêtait plus que tout. Elle était d'un ennui déprimant, je m'en souviens.

     

     

     

     

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