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    c’est autre chose de plus

    enfoui de moins visible

    au temps des caravanes

    roulantes que je voudrais

    raconter où les enfants

    pleuraient sans cesse lors

    des voyages et vomissaient

    dès les premières minutes

    du poisson pourri dans des

    rêves et du lait caillé sur la lune

     

    quelque chose dont j’ignore

    le goût du hangar au sous-sol

    est là depuis l’aube jusqu’au

    crépuscule à vrombir dans tous

    les sens la soupe servie sans sel

    aux artères déjà connues

    pour leur sempiternelle

    cou serré quand vient l’heure

    des orgies et des attaques

     

    et la cocotte fait tourner la soupape

    dans la vapeur du monde en

    construction des songes déraillant

    sur les routes apprises par cœur

    et qui plus jamais n’existent

    hors des cuisines la bouche

    ouverte la main entre ici

    et ailleurs pour fabriquer

    des échafaudages le long des murs

    atteindre le dernier étage  

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    Et puis il y a ce rapport au temps sournois et jamais franchement avoué qui supposerait qu’inconsciemment j’écris pour laisser mon empreinte dans l’histoire. La peur de disparaître sans avoir vraiment eu mon mot à dire est une frustration et elle  m’encourage à créer. À mon avis, tout art est à la fois un moyen subtil et prétentieux  de retrouver son chemin perdu dès la naissance.

    Je ne sais pas pourquoi, mais tout ceci me fait penser à Fernando Pessoa et au plasticien Bernard Réquichot. Sans doute est-ce dû au fait qu’ils avaient sans le savoir un point commun. Ils savaient, comme beaucoup d’autres d’ailleurs,  qu’ils ne vivraient pas vieux.

    La défenestration suicidaire de l’autiste créateur à l’âge de trente ans était sa dernière œuvre - que Romain Gary aurait qualifiée de plus achevée parmi toutes celles déjà reconnues par le public.

    La création clandestine du plus subtil des comptables portugais portait déjà les stigmates d’une mort annoncée et qu’il s’autorisa à se donner en abusant de l’alcool. À quarante-sept ans, il cessa d’écrire pour toujours sa foi en l’art poétique. Les admirateurs de ces deux artistes, l’un marqué par des obsessions anatomiques, l’autre par une angoisse liée à l’absence de femme, voient et reconnaissent en eux la fulgurance de l’instinct de vie.

     

    L’éternité n’apporte rien à l’art, au contraire, elle le tue. Créer c’est en quelque sorte anticiper sa mort. Les désirs d’immortalité n’existent que chez les spectateurs.

     

     

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    Je m’aperçois que le décor est aussi important que les personnages.  Il amplifie le sentiment de lassitude quand on n’a rien à faire ou qu’on ne cesse de penser. Même les apparences d’une mer dorlotée par un soleil radieux ont parfois le même effet que les pluies diluviennes s’acharnant sur un paysage embrumé. Il n’y a rien de plus indescriptible, à mon goût, que l’intensité et la profondeur de chaque sensation ressentie pendant ces moments-là. Les tentatives d’expression échouent les unes après les autres parce qu’elles trahissent l’authenticité du sentiment.

     

    Dans ces instants d’élucidation, ma tête tourne et mes personnages se chiffonnent. Ils sont emportés par la rafale du doute et perdent leur substance en se reformant un peu plus loin, là où l’accalmie les attend pour mieux les pétrir et leur suggérer une destinée qu’eux seuls décideront de suivre ou non. Ils font partie du paysage qu’ils regardent avec des yeux inventés. Tout est filtré par ma conscience despotique. Je ne leur veux que du bien, à mes personnages. Je trouve qu’ils s’accommodent aisément de ce rapport hiérarchique qu’ils ne pourront jamais renverser. Cela participe du mystère et de l’évidence. L’illusion est ainsi faite. Ceux et celles qui s’illusionnent pour le plaisir, s’imprègnent davantage des défauts de la réalité et les ressentent comme des obstacles à la possibilité d’être enfin heureux. La délivrance qu’ils cherchent réside dans l’expression de la dualité dont j’ai précédemment parlé.  Ceux-là savent bien que rien ne vaut la perception du faux pour découvrir le vrai.

    L’histoire se précise ligne après ligne et n’aboutira qu’à la dramatisation d’un phantasme. Après cela, plus rien de ces tergiversations romanesques n’aura d’importance.

    Lentement le ciel s’ouvre en plein milieu d’une nuit douce et parfumée. Avec les lumières et les bruits sourds qui accompagnent la renaissance du jour, la vie du bord de mer apparaît comme un artifice tributaire de son environnement. L’espoir de voir s’élancer de toute leur force des vagues démesurées en pleine chaleur obscure, meurt petit à petit. Les tempêtes ne parlent jamais sur cette île. Elles sont enfouies au plus profond des rêves indigènes et dorment depuis longtemps dans leur imaginaire.

    Ce sont des êtres pondus par le soleil, un jour de pleine lune, que j’ai voulu dépeindre.

    Mes personnages insulaires vivent au jour le jour, sans penser au lendemain. Ils aspirent tous à un coin de fraîcheur. C’est tout. Je ne leur en demande pas plus. Ils sont dans le décor. On les remarque à peine. Mais ils sont  quand même là. Je voudrais que cet endroit soit à la fois un lieu évocateur pour n’importe quel lecteur et qu’il échappe aussi à toute tentative d’identification ou de représentation géographique. Un pays  propice au rêve et à la fois incompatible avec celui-ci. Quelque chose comme ça : une hésitation entre méditation et action ; un mélange inconscient ; un terrain où tout est possible ; un poème d’amour en forme de prose. J’ignore encore si j’ai choisi le bon genre. J’ai toujours une tonne d’images dans la tête et me demande s’il  faut que je les  trie au moment d’écrire. Je ne pense pas. Mais je ne peux quand même pas les garder telles quelles. Ça fait désordre et  pas très professionnel. Je cherche dans le plaisir de créer une forme de désespoir à écrire. C’est bizarre. Je n’y avais jamais pensé avant. La mer m’obsède. Celle de mon histoire n’est pas assez présente, ou peut-être un peu trop mal suggérée. Je dois travailler là-dessus. Rendre le décor plus convaincant, autant que mes personnages. La topographie m’a toujours fasciné. Les gens qui partent en voyage aussi. En général, ils sont tous habités par une envie très pressante de départ et une nostalgie déchirante du retour. Fitzgerald l’avait compris et si bien rendu dans Tender Is The Night. La différence entre les lieux décrits dans son roman et ceux de cette île, c’est que tous ont une valeur symbolique dans son livre. Alors que l’île de mes  estivants n’a rien d’un symbole. Elle nage au milieu de la mer le plus littéralement du monde. Les vacanciers sont tous normaux. Enfin, c’est ce que j’essaie de traduire. Ils ne sont pas comme les personnages de Fitzgerald, hantés par un idéal d’accomplissement. Non, pas du tout. Ce n’est pas mon projet. Ils partent en vacances parce qu’il faut partir, mes personnages. Loin d’eux le désir romantique d’aller s’extasier au milieu de la nature.

     

    Je me rends compte de plus en plus que j’écris sur la lenteur, alors que je  suis plutôt expéditif dans la vie. Je construis un monde et vis dans l’espoir de ne jamais être dérangé. Je me protège derrière ma fiction. Je m’exhibe avec elle. Je me retire discrètement du monde réel pour rechercher avec elle l’inconnu qui me rendra heureux. Ça, ça énerve Flora, parce que forcément, ça demande isolement et travail solitaire. Elle dit que je ne suis pas assez avec elle quand j’écris. J’aimerais lui prouver, tout en construisant ce roman, qu’elle a tort : écrire, c’est tenir compagnie à l’être aimé.

     

     

     

     

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    Quand je n’écris pas pendant plusieurs jours, et cela arrive parfois, je rumine ma perte programmée et réajuste mon tir d’enfant gâté. Puis d’un seul coup, et je ne sais par quelle opération, tout devient évident et se débloque en moi. Je me mets alors à tapoter comme un fou sur mon clavier. Résultat : je  m’abrutis un peu plus de mots inattendus criant au vide de mon être leur joie de se voir associés  à d’autres musiques qui animent la danse des combinaisons.

     

    Je m’invente des principes n’appartenant qu’à moi  et que personne d’autre ne pourrait suivre au fond. Petit à petit, je m’isole dans mon intrigue toujours plus squelettique. Des rimes naissent au hasard de mes obsessions. La liberté est absolue. Le voyage est dérisoire quelque soit son but. Tous les chemins mènent au même pays : celui sans nom et qui depuis ma naissance ronronne sa grâce légendaire.

     

     

     

     

     

     

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    on aurait envie

    de voir trembler la terre

    sous nos peurs descendues

    plus bas plus loin

    et sentir le ciel

    parcourir l’espace

    d’un bouquet

    l’étendue des parfums

    l’épaisseur du chagrin

    reconstruire

    sur des ruines

    le visage

    revenu

    avec ses formes

    musicales

    son sourire perçant

    de catastrophe naturelle

     

     

     

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