• En équilibre constant 29

    J’aurais moi aussi envie de courir comme mes camarades mais pas à tout bout de champ, à l’aveuglette, sans savoir où je vais. Je voudrais prendre une direction précise me conduisant vers une destination que j’aurais fixée avec ma conscience. Je rêve d’un voyage que personne n’a encore jamais fait, me retrouver dans un pays inexistant. Je rêve de partir explorer les frontières entre le quotidien, la routine, les habitudes et le surplace du mouvement, du changement continu, des découvertes perpétuelles et des rencontres inattendues. Avoir la possibilité de choisir vraiment et de ne pas rester à m’engluer dans l’abstraction des idées impossibles à appliquer. J’ai envie de changer d’air et de me vider la tête de ces cochonneries qui l’encombrent et l’atrophient à la longue.

    J’ai peur en vieillissant que ma vie ne me satisfasse jamais, de demeurer un éternel légume ronchonnant. Même en créant, comme semble me le suggérer papa, ça doit être dur de supporter les jours qui passent et se ressemblent tous ! Comment les artistes arrivent-ils à ne pas capituler devant les contraintes épuisantes et déprimantes du quotidien ? Vivre paraît impossible. Survivre, la seule échappatoire à l’illusion du bonheur. Je comprends mieux pourquoi les adultes sont mal à l’aise quand ils en parlent : ils ne veulent pas nous décourager. Mais moi je sais qu’ils mentent la plupart du temps quand ils évoquent leur vie passée ou présente. Ils fabriquent pour nous des discours bien présentés pour faire passer la pilule de la déception avant l’heure. Dire la vérité à ses enfants sur l’immense et tenace crise existentielle qu’ils risquent de connaître tout au long de leur vie reviendrait en quelque sorte à les décourager avant même qu’ils aient grandi. Pourquoi ont-ils tant de mal à parler d’eux-mêmes ? Pourquoi emploient-ils sans cesse des images pour nous expliquer la vie ? Est-elle si laide pour qu’on la grime autant ? Il y a bien longtemps que les contes pour enfants ne me touchent plus. Le sentiment de lutter en permanence contre une immense tristesse qui pourrait me rendre fou si je ne le maîtrisais pas m’habite depuis que je suis tout petit. J’ai l’impression d’avoir soixante-dix ans parfois quand trop fatigué de me poser des questions, je voudrais que la vie s’arrête. D’ailleurs je les admire les vieillards. Leur courage m’émeut quand j’y songe. Leur endurance est un modèle pour moi. Pour mes copains, c’est l’inverse. Quand on discute de ça entre nous, ils ne comprennent pas que je puisse être attiré par les vieux. Pour eux, la vieillesse c’est synonyme de mort. Et la jeunesse, c’est pas la même chose ? Je n’arrive pas à être comme eux, aussi peu nuancé. Mon problème vient certainement de là comme je l’ai déjà dit. Avec le style de nana que certains ont et d’autres n’ont pas, c’est pareil : je ne me reconnais pas dans leurs prétendus goûts. Je n’ai aucun genre de prédilection. Soit une fille me plaît, soit elle ne m’attire pas. Peu importe la couleur des cheveux, la taille et la carnation de la peau. Du moment que je la trouve bien, ça me suffit. La dernière en date était blonde et celle d’avant, rousse. Toutes les deux différentes psychologiquement. Jamais il me vient à l’idée de comparer mes conquêtes. Ça aussi, c’est un truc dont mes potes parlent souvent et qui moi m’agace. Faut toujours qu’à un moment donné ils reparlent de leurs ex et de tout ce qui était bien chez elles et qu’ils ne retrouvent pas chez leurs nouvelles copines. La comparaison est certainement un moyen pour eux de donner un peu de sens à leurs recherches. Je comprends, je ne leur en veux pas, je suis juste un peu énervé quand ça devient systématique. Ou alors c’est pour nous montrer qu’ils font du nombre et que cela les valorise. Certains sont impressionnés et ça les amuse. Je suis du genre à ne jamais divulguer ma vie intime. C’est trop personnel pour que mes potes soient au courant du moindre de mes fantasmes. Cela ne regarde que moi-même et ma compagne du moment. Ils mélangent les genres, mes potes. Ça aussi, c’est difficile à leur expliquer que moi je n’arrive pas à étaler, comme eux, aussi facilement ma vie amoureuse. Au début, ils me charriaient, maintenant ça va mieux : ils voient bien qu’il ne faut pas m’emmerder là-dessus.

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