• Jusqu'à plus soif

     

    Les gens servent à entretenir le mirage de la vie. Surtout ici. Les docteurs sont des chênes ambulants. Les infirmières, les aides-soignantes, et tous les autres, des herbes en train de frissonner près des arbres gigantesques. Nous autres malades, ne sommes que le terreau de la forêt illusoire. 
    Le soleil, que j’imagine derrière les murs de l’hôpital, brille sur le pelage des chiennes en chaleur, errant dans les rues, à la recherche du prochain rayon ardent qui les poussera toujours plus loin de leur intarissable quête. Elles laissent derrière elles des gouttes de sang et attirent les chiens en rut. Ils les suivent à la trace pour mieux les couvrir dès qu’elles seront à l’arrêt.
    Plus rien n’aura d’importance. Ils seront accrochés l’un à l’autre, dans un parfait mouvement de translation rectiligne. Les passants les regarderont, envieux, choqués, indifférents et intrigués. 
    Ceux qui ne savent pas parler et ne parleront jamais éprouvent-ils du plaisir ?
    Une fois leur sexe bourré - jusqu’à plus soif - d’étoiles blanches, elles repartiront vers d’autres aventures. Et elles s’arrêteront au prochain croisement où une meute grouillante de pointes brillantes et rouges se battra pour leur sauter dessus et les perforer toujours au même endroit. Elles ne pourront pas éviter de laisser échapper d’elles une coulée rosâtre de voie lactée déjà refroidie par les voyages. 
    Ils les sentiront en leur léchant précautionneusement la vulve noire et boursouflée par l’attente et le trop-plein de firmament liquide. Avec un goût amer qui restera à jamais sur leurs papilles de chiens vagabonds.
    De chienne en chienne, leur vie prend un sens. 
    De chien en chien, c’est leur mort qu’elles sentent approcher. 
    Le soleil brille mais ne fera jamais fondre l’hôpital : il n’est pas en sucre, il est blanc et repousse la chaleur. 
    L’amour est un courant d’air. Il faut tout de suite le saisir quand il passe : il est tellement fugace. Quoi qu’il arrive, il laisse toujours des traces. Son passage n’est jamais discret. Il ronge doucement les espoirs qu’il avait suscités pour les anéantir en images obsédantes d’irréelle apocalypse.

     

     

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