• Mon camarade de chambre est toujours là

     

     

    Mon camarade de chambre est toujours là. Son dos n’a pas changé de position. Tourné vers moi. Ses poils ont bien poussé depuis tout à l’heure. Ils sont de plus en plus grands. Il est donc bien en vie. Ses cellules ne sont pas mortes. Ses paroles bourgeonnent quelque part dans sa tête ou ailleurs même. 
    Je n’ai plus qu’à regarder croître ses poils. Le spectacle est déprimant. Une petite vie grandit sur un corps endormi. Le contraste est saisissant. Bientôt son être sera entièrement poilu. J'assiste, impuissant, à la métamorphose d’un muet sans complexe dans une chambre d'hôpital. 
    Les infirmières se rendent bien compte, quand elles passent, que mon voisin a quelque chose de bizarre. Mais elles ne voient pas exactement ce qui cloche. Peut-être se sont-elles trompé de produit dans le goutte-à-goutte. Elles ont mis de l’engrais à la place du glucose. Son système pileux est angoissant. Un singe humain dort près de moi. Il renferme le malaise bouillant en moi. C’est mon image que je vois. Peut-être ai-je aussi des poils dans le dos ? J’en sens quelques-uns. J’ai peur. D’habitude je n’en ai pas. C’est vrai que c’est Nathalie qui s’en occupe en général. Ils ont eu le temps de pousser. Je ne veux pas lui ressembler. Il faut bien se rendre à l’évidence que nous avons des points communs lui et moi. 
    Si Hugo et Chloé étaient là, je ne voudrais pas qu’ils assistent à ce spectacle pitoyable de déchéance humaine et de mutisme sentimental. Non, certainement pas. Les enfants ont le temps de perdre leurs illusions.

    (Extrait d'une fiction inédite)

     

     

     

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