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    La mort d’un des copains de Martin, alors qu’ils viennent avec d’autres de passer l’après-midi ensemble, l’ébranle complètement. Le scooter d’Antoine n’a pas fait un pli. Refus de priorité, freinage impossible du véhicule venant de sa droite, et tout s’enchaîne très vite. Le corps humain est un pantin désarticulé sous les yeux terrorisés des témoins impuissants. Impossible de le réanimer. Evacué d’urgence au CHU de Nantes par hélicoptère, tout le monde pense déjà au pire. Le coma dans lequel il est plongé est celui d’une mort cérébrale irréversible. Plusieurs images de leurs rires et paroles anodines juste avant l’accident défilent dans la tête de Martin. Et cette fête qu’il devait organiser samedi prochain ? Ses yeux brillent. Il n’a jamais été aussi abattu. Personne ne peut le consoler. La musique s’éteint. La lumière de sa chambre reste longtemps allumée dans la nuit. Son ombre va et vient devant la fenêtre. Il ne savait pas que la mort était à ce point aussi proche de lui. Il dit que l’amitié c’est ce qu’il y a de plus important pour lui. Damien acquiesce. Le deuil est invisible, mais la peine est immense. Il sait très bien que ni l’enfer ni le paradis existent, que tout cela ne sert qu’à faire passer la pilule et pourtant avec ses autres copains Damien l’imagine en train d’espérer, lors des obsèques, en un avenir moins triste. Chacun est enfermé dans sa douleur. Celle des parents d’Antoine est manifestement la plus spectaculaire. Les paroles du curé leur arrivent dans les oreilles comme les gouttes d’une pluie glaciale cinglent le visage des coureurs du tour de France en plein été.

    ( Extrait de Notes prises pour un film qui ne verra jamais le jour.)

     

     

     

     

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    La répartie de Martin ressemble à celle que je rêvais tant  d’avoir et que malheureusement je n’ai jamais eue. Il en joue, d’ailleurs, et cherche encore dans les amis qu’il se fait des rhétoriciens à toute épreuve. Il a besoin d’admirer en s’identifiant. À fleur de peau, sa sensibilité il veut la maîtriser. Ceux qui y parviennent l’épatent. Son papi en fait partie mais il ne le lui dira pas. On est comme ça entre filiations d’hommes ; on est lié pour toujours par un même secret : celui de garder pour soi l’amour qu’on ne saura jamais se dire. On est maladroits avec l’expression des sentiments. Alors parfois, on pense qu’ils pourrissent à force d’être retenus dans les tiroirs du coeur. Mais non, en fait, ils vieillissent comme le bon vin ; ennoblis grâce au temps. On le sait après coup, quand l’un ou l’autre  des deux hommes de même ascendance ou descendance revivent l’espace d’un repas ou de retrouvailles quelconques la connivence qu’ils avaient jadis. Mais là en plus nuancée, moins passionnelle, moins électrique, plus riche, plus harmonieuse et moins susceptible.

    ( Extrait de Notes prises pour un film qui ne verra jamais le jour.)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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    Au même âge, Martin, alors qu’ils se rendent à son école et que sur le chemin il n’arrête pas de poser des questions à son père, il en vient à l’interroger sur ce fameux flacon d’urine qu’il a pris soin de bien emballer dans une poche en plastique et de fourrer dans son manteau.

    - C’est pour quoi faire le pipi qu’on a pris pour la maîtresse ? lui demande-t-il intrigué de voir qu’il transporte son urine jusqu’à son école.

    Son père lui doit alors quelques explications, les plus simples possibles.

    - Déjà, premièrement, c’est pas pour la maîtresse ton pipi.

    - C’est pour qui ?

    - Je te l’ai déjà dit, Martin, c’est pour la visite médicale.

    Pour Damien l’explication est tellement évidente. Pour un enfant de trois ans, ça l’est moins.

    - Ça va servir pour visiter ?

    Riant dans son for intérieur, Damien doit bien reconnaître qu’il n’a pas su être assez clair avec son fils.

    - Ton pipi va être analysé par l’infirmière, pour le docteur des écoles.

    Il voit à ses froncements de sourcils qu’il l’embarque dans l’inconnu.

    - Si tu veux, ils veulent savoir si tout va bien, si tu n’as pas de problème de santé.

    - Quoi comme problème ?

    Il est allé trop loin. S’il lui parle de la glycosurie ou de la protéinurie que l’infirmière scolaire va rechercher à l’aide d’une bandelette urinaire, il ne va rien comprendre. Damien simplifie donc les choses en lui annonçant :

    - C’est pour savoir si tu n’as pas de sucre ou de sel dans ton pipi.

    Et là, Martin tout content de lui montrer qu’il a compris ses explications lui demande du tac au tac !

    - Et du poivre aussi ?

    Il n’a pas pensé à cette éventualité. En explosant de rire, il entraîne son fils avec lui, qui rit sans comprendre, attaché à l’imiter plus qu’autre chose. Il lui sert fort la main. Il n’a pas besoin d’autres explications. Ce qui compte pour eux c’est ce contact physique et abstrait les unissant sans que personne d’autre ne le sache.

    ( Extrait de Notes prises pour un film qui ne verra jamais le jour.)

     

     

     

     

     

     

     

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    La spontanéité de Martin et sa curiosité bon enfant amusent beaucoup son grand-père. Un jour, il rentre d’une balade en ville accompagné de Martin et il raconte que son petit-fils a trouvé une solution à son manque d’argent. Tout le monde, à la fois intrigué et amusé, attend la suite du récit avec impatience. Comme son grand-père n’a pas pu lui offrir le croissant que Martin -  âgé de trois ans - lui réclame : il a oublié son porte-monnaie chez lui, il suggère à son papi de traverser l’avenue de Soissons pour obtenir des billets sous l’abri d’en face. Pour lui certains murs sont magiques : il suffit d’y entrer un code secret sur un clavier qui sort des briques, et une fente automatique s’ouvre et tend à n’importe quelle main quémandeuse les billets désirés. Cette perception du monde bancaire, vu par l’œil d’un enfant, séduit le grand-père qui n’en revient pas.

    ( Extrait de Notes d'un film qui ne verra jamais le jour.)

     

     

     

     

     

     

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    Au milieu des mouvements de gens allant et venant, des rêves se croisent et des adieux se disent, Damien est comme un pantin que le passé rattrape en l’espace d’une demi seconde et Julie, une poupée resplendissante à l’aise dans la désinvolture de sa jeunesse.

    L’aéroport est le lieu idéal pour opposer symboliquement ces deux mondes où l’insouciance et la gravité cohabitent dans les effluves et les brouhahas des mélancolies en partance ; des désillusions rentrées ; des espoirs qui  boulochent.

    ( Extrait de Notes prises pour un film qui ne verra jamais le jour.)

     

     

     

     

     

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