Si le sentiment d'accomplissement est difficile à expliquer, cela vient certainement du fait qu'il déborde toujours un peu sur des berges mouvantes. Je l'éprouve pendant un laps de temps assez court et immédiatement après, il est englouti par son environnement toujours un peu instable et déconcertant. Comme s'il ne fallait pas qu'il s'éternise, sinon à quoi bon continuer à écrire des poèmes. La nature est bien faite pour cela : elle me permet toujours d'aller plus loin. Le jour où mon sentiment d'accomplissement s'installera à perpétuité, je saurai que je n'ai plus à écrire de poèmes. Une autre grande contradiction de l'acte de création : la recherche frénétique du plaisir ultime ; celle d'avoir écrit une oeuvre dont l'auteur serait fier de A à Z et l'état de doute quasi permanent qui l'empêche de savourer ses petits instants de bonheur. Entre passé et futur, le poète que je suis essaie de bâtir des ponts afin de stabiliser un peu plus les passages d'une berge à l'autre de ses illusions.
(Extrait d'un recueil - autour de mon expérience poétique - en voie d'achèvement )