• Tableau d'une autre vie (10)

     

     

    La première fois que nous étions allés en vacances, nous nous étions arrêtés – histoire de nous dégourdir les jambes – à la dune du Pilat. Je trouvai ces montagnes étrangement chimériques.

    Nous courûmes comme des fous ce jour-là, Florence et moi. Nous n’avions qu’une seule envie : partir très loin, dans un autre pays, nous envoler comme des oiseaux. Nous entendions notre mère crier nos noms derrière nous : elle craignait que l’on s’éloigne trop. Mon père, lui, était sagement assis et nous regardait nous amuser, un sourire aux lèvres. Il nous enviait, je crois. Nous étions heureux.

    Nous riions à ne plus pouvoir nous arrêter : nos rêves de liberté venaient d’avoir lieu simultanément. Nous nous étions serré la main si fortement que nous nous étions fait mal l’un et l’autre. Nos cheveux volaient au vent. Le sable cinglait nos visages. Nous nous enfoncions dans le sable, alors que nous rêvions de décoller. Nous montions et descendions les pentes aussi vite qu’un manège de fête foraine. Le goût acide du vomi était encore dans ma bouche.

    Jamais je ne courus autant en si peu de temps. Les dunes m'avaient transformé. Si seulement nous avions passé le reste de nos vacances au milieu de ces montagnes de sable !

    La mer n'était plus très loin, d'après mon père ; juste derrière. Mais nous, nous devions poursuivre encore quelques kilomètres au Sud, dans les Landes, à Biscarosse plus précisément. Et enfin nous verrions la mer au loin, grise ou bleue avec des rouleaux blancs qui n’en finiraient pas d’avancer, de disparaître et de se reformer au large comme par magie. Nous étions impatients Florence et moi. Nous sentions déjà l’océan rien qu'en l'imaginant.

     

    Lorsque nous le découvrîmes réellement, nous fûmes contents, mais sans plus. Il y avait une grande différence entre la mer de notre imagination et celle que nous avions en face de nous. Cela ne nous empêcha pas d'avoir un petit pincement au coeur lorsque nous quittâmes le terrain de camping quinze jours plus tard. Je revins avec – dans le coffre de la voiture -  un seau rempli de coquillages et d'étoiles de mer. Toute la famille dut se taper l’odeur nauséabonde de mes invertébrés en décomposition pendant le trajet du retour. Je fus encore plus malade qu'à l'aller, cette année-là. J'eus beau me convaincre que ce n’était que des émanations de marée, ce fut pire.

     

     

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