- J’ai l’impression que tu regrettes ta jeunesse, papa ! Je trouve que c’est malsain, j’sais pas…

- Non, c’est pas ça, Guillaume. Ce que je veux dire c’est que quand parfois on discute de tout ça ensemble, je me revois à ton âge et je me dis : « Mais qu’est-ce que j’ai pu être con, moi aussi, à l’adolescence ! »

-Ouais, mais, j’sais pas, moi, si t’es ce que t’es aujourd’hui, à quarante-trois ans, c’est parce que t’as été aussi un adolescent qui a connu des déceptions, des déboires et des désillusions. Y’a pas à regretter quoi ce soit là-dedans. Et puis de toute manière, ça sert à rien : ça fait que remuer le couteau dans la plaie et puis c’est pas bon pour le moral ! 

- Ecoute, c’est pas parce que tu es ce que tu as été, comme tu dis, que tu ne dois pas avoir un regard critique sur ton passé, sans pour cela le nier comme tu sembles le penser. En gros, si tu veux, ce que je regrette le plus quand je songe à ma jeunesse, c’est le temps que j’ai perdu avec mes conneries. Peut-être que je dis ça, parce que j’ai quarante-trois ans et qu’à mon âge, on n’a plus la même perception du temps. Et là il n’y a rien d’original à ça. Arrivé à environ la moitié de ma vie,  j’aurais envie d’en disposer d’une troisième – hélas illusoire - pour réaliser tout ce que je n’ai pas eu la possibilité ou le courage d’achever jusqu’au bout ; ou de vivre plus intensément les moments rares de l’existence, autrement que précipitamment, par entêtement, sectarisme ou je ne sais quoi d’autre de pas terrible au fond…

- Tu vois, tu recommences à être négatif. C’est fou, ça ! En plus, t’es comme ça à chaque fois qu’on discute de toi quand t’étais jeune ! Sinon t’es quelqu’un qu’a plutôt la pêche et qui voit toujours les choses de manière positive, je trouve. Pourtant t’as eu une enfance et une adolescence sans problème. T’as manqué de rien. Papi et Mamie ont tout fait pour toi : pour que tu suives les études dont tu rêvais.