• En équilibre constant 33

    - Mais bon sang, depuis quand as-tu ce sentiment d’être dans le noir ?

    -     Ça fait longtemps que je t’en parle, mais toi tu crois toujours que ça va passer, que c’est parce que je suis ado que je suis comme ça, perdu avec toutes mes questions existentielles sans réponses. Ben non, ça passe pas comme ça et tu le sais bien. Plus j’y pense, plus ça devient compliqué. Aucun pote, ni soirée passée entre gens du même âge ne parvient à calmer mes angoisses. J’ai l’impression que ça ne s’arrêtera jamais, que plus le temps passe, plus le poids que je porte sur les épaules est de plus en plus lourd.

    - Est-ce que tu peux être plus précis, c’est-à-dire me donner un exemple de problème que tu te poses et que tu n’arrives pas à résoudre ?

    - La mort de maman.

    - C’est pas un problème, ça ?

    - Pour toi, peut-être.

    - Je ne comprends pas…

    - J’aimerais bien savoir pourquoi elle est morte. On dirait que c’est un sujet tabou dans la famille. Personne n’en parle, même pas mémé…

    - Cette question te taraude depuis longtemps,  je sais. T’as souvent essayé de m’en parler et moi je ne te  répondais jamais vraiment franchement. C’est pas que je ne voulais pas, non, c’est pas ça, mais je ne trouvais pas les mots pour t’expliquer exactement ce qui s’était réellement passé ce jour-là. En fait, j’aime pas trop me remémorer cette période de ma vie. Résultat, je fais tout pour oublier, donc c’est encore plus dur pour moi de t’en parler.

    - Ce que je voudrais savoir c’est si maman avait laissé une lettre, quelque chose expliquant son geste.

    - Rien. Absolument rien. On m’a même suspecté de l’avoir assassinée. T’imagines ?

    - Tu me l’avais jamais dit ça, avant !

    - Maintenant tu le sais. Je ne voulais pas que toi aussi tu doutes de mon innocence, que tu te mettes à gamberger, comme t’es un garçon très cérébral. Et puis c’est dur de parler de toutes ces choses-là à un enfant. Mets-toi à ma place ! Tu savais le principal : que ta mère était morte après avoir pris des barbituriques. Le reste devait rester confidentiel pour moi à part si un jour - comme aujourd’hui, par exemple…

    - Je t’avais trop embêté avec mes questions, c’est ça ?

    - Je sentais depuis peu que ce jour-là allait bientôt arriver. En même temps, ça tombe bien : je me sens prêt moi aussi. Mais je te préviens, ça va être long.

    - Ça ne me fait pas peur…Je pourrais t’écouter des heures, des semaines et des mois entiers s’il le faut. J’ai tellement attendu ce moment-là avec impatience !

    - Si seulement ça pouvait t’apaiser un peu et te rendre moins à fleur de peau, plus fort ! En tout cas, ça vaut le coup d’essayer : les secrets de famille, c’est bon pour personne.

    - Un suicide dans une famille, ça cache toujours quelque chose de suspect, c’est ça que tu veux dire ?

    - Le suicidé meurt en emportant dans sa tombe le vrai motif de son acte, même s’il a essayé de se justifier par une lettre. Quand il ne laisse rien, c’est d’autant plus vrai que c’est mystérieux et on ne peut pas s’empêcher de se sentir responsable.

    - Responsable de quoi ?

     

    - De ne pas avoir pu l’en empêcher, de ne pas avoir su être là au bon moment, de ne pas avoir pu l’aider à temps, de ne pas avoir réussi à détecter ses signaux de détresse…

    Blogmarks

  • Commentaires

    1
    Jeudi 29 Septembre 2016 à 23:42

    Une mort naturelle, déjà, peut déchirer une famille. A plus forte raison un suicide !

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