• Je ne trouve pas qu'elle me ressemble

     

     

    - Je ne trouve pas qu’elle me ressemble. C’est plutôt un mélange inespéré et bien dosé de nous deux.

    - Tous les jours je me dis que j’ai eu de la chance de te rencontrer. Sans toi, j’aurais fini complètement dépressive et irrécupérable.

    - Tu aurais sûrement rencontré un autre type et il t’aurait lui aussi rendue heureuse.

    - Non, c’est impossible. J’ai l’impression que je te connais depuis que je suis petite.

    - C’est vrai, moi aussi ça me fait ça.

    - Là, ça va mieux depuis que je sais que les chercheurs sont sur des pistes sérieuses, mais les deux premières années juste après la naissance de Léa ont été un calvaire pour moi. J’étais à la fois hyper heureuse d’avoir mis au monde cette magnifique petite fille - arrivée dans ma vie au dernier moment, alors que j’étais programmée pour rester célibataire et définitivement privée d’enfant - et en même temps très triste de lui avoir passé ma cochonnerie de gène.

    - Ta cochonnerie de gène comme tu dis, moi aussi je la lui ai passée. Faut pas dire ça, Danielle ! On n’a pas eu de bol, c’est tout, au moment de la fécondation. On avait une chance sur quatre que ça se produise et c’est arrivé. Maintenant faut plus penser à tout ça. Ça nous dépasse la génétique. Et il n’y a pas que nous, d’ailleurs. Les généticiens eux-mêmes sont dans le brouillard. Souviens-toi quand on a eu l’entretien avec le généticien du CHU, il n’a rien pu nous dire sur ma mutation, la E60x. La tienne est la plus répandue et on sait qu’en France on la trouve principalement en Bretagne et plus généralement dans le grand ouest. Franchement, je pensais, qu’en tant que scientifique, il m’en aurait appris un peu plus sur l’origine géographique de ma mutation ; qu’il aurait effectué des petites recherches avant de nous recevoir en consultation. Mais rien, rien du tout. L’unique traitement qu’il a été capable de nous proposer afin de nous aider c’est de dessiner un petit arbre génétique que toi ou moi aurions pu reproduire sans aucune difficulté. Moi je pensais qu’il nous aurait parlé des combinaisons génétiques, de ce qu’on en savait, si certaines combinaisons signaient une atteinte respiratoire très grave ou au contraire moins invalidante. Il a été incapable de nous expliquer pourquoi quand deux jumeaux atteints de la mucoviscidose porteurs l’un et l’autre du même phénotype et génotype ont une évolution complètement différente. Pour l’un ce sera plus grave que pour l’autre. C’est pour ça que je te dis que même les généticiens ne savent rien de l’interaction des gènes entre eux, je veux parler de celle entre les bons et les mauvais gènes. Ils se contentent de noter, de comparer des résultats par rapport à des statistiques élaborées au préalable par eux-mêmes  et de continuer à pondre des arbres qui leur donnent une bonne conscience de scientifiques compréhensifs.

    - Sauf que la compassion n’a jamais guéri personne à ce que je sache.

    ( Extrait de Notes prises pour un film qui ne verra jamais le jour.)

     

     

     

     

     

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