• La comédie insulaire # 3

     

    Et puis il y a ce rapport au temps sournois et jamais franchement avoué qui supposerait qu’inconsciemment j’écris pour laisser mon empreinte dans l’histoire. La peur de disparaître sans avoir vraiment eu mon mot à dire est une frustration et elle  m’encourage à créer. À mon avis, tout art est à la fois un moyen subtil et prétentieux  de retrouver son chemin perdu dès la naissance.

    Je ne sais pas pourquoi, mais tout ceci me fait penser à Fernando Pessoa et au plasticien Bernard Réquichot. Sans doute est-ce dû au fait qu’ils avaient sans le savoir un point commun. Ils savaient, comme beaucoup d’autres d’ailleurs,  qu’ils ne vivraient pas vieux.

    La défenestration suicidaire de l’autiste créateur à l’âge de trente ans était sa dernière œuvre - que Romain Gary aurait qualifiée de plus achevée parmi toutes celles déjà reconnues par le public.

    La création clandestine du plus subtil des comptables portugais portait déjà les stigmates d’une mort annoncée et qu’il s’autorisa à se donner en abusant de l’alcool. À quarante-sept ans, il cessa d’écrire pour toujours sa foi en l’art poétique. Les admirateurs de ces deux artistes, l’un marqué par des obsessions anatomiques, l’autre par une angoisse liée à l’absence de femme, voient et reconnaissent en eux la fulgurance de l’instinct de vie.

     

    L’éternité n’apporte rien à l’art, au contraire, elle le tue. Créer c’est en quelque sorte anticiper sa mort. Les désirs d’immortalité n’existent que chez les spectateurs.

     

     

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