Je le dis et je le répète

sans aucun complexe

j'écris comme je me gratte

pour soulager des démangeaisons.

Dans d'autres lieux

que je cherche en écrivant

je vois des scènes précises

et des ambiances tamisées

je vois des personnages assis

autour d'une table ronde

en train de jouer aux cartes

comme si c'était leur vie

qu'ils mettaient en jeu

comme si c'était la fin du monde

qu'ils célébraient en trichant

chacun leur tour.

Les personnages

de mes fictions

s'accrochent

souvent

à des restes

de rêves d'enfant

comme des êtres

sur le point de se noyer

à des bouées saisies

au dernier moment.

Je savais déjà

avant sa disparition

qu'Agnès Varda

était avant tout une poète

pour qui le contraire d'un mur

est une plage.

Mais depuis sa mort

j'entends sa voix

tous les jours

comme celle

d'une femme bienveillante

venue spécialement

d'un autre monde

raconter des histoires

aux êtres comme moi

à moitié animaux marins

vivant sur terre

et voulant voler.

A force de regarder par la fenêtre

tout en écrivant

je vois des films fantastiques

à petits budgets

se dérouler dans l'herbe

où les pâquerettes grandissent

de manière démesurée

en poussant des cris d'oisillons

comme si elles voulaient

qu'on prenne pitié d'elles

mais je ne peux hélas

que sursauter en souriant.