C'est tout un monde

le soir

le jour

la nuit

si différent

à chaque fois

que le sentiment de voyage

nous fait oublier

que nous ne voyageons jamais.

(Extrait d'un recueil en cours "J'avais dit déjà dit

un jour)

A l'instant même

où les tourterelles roucoulent

j'ai subitement

quarante-cinq ans de moins

devant mon bol chocolaté.

Le bois que le vieillard scie

ressemble à des os

tombés du ciel

un jour d’hiver.

En plus des bûches

prêtes à flamber

quelques nuages

partiront de sa tête

réchauffer ses articulations

de scieur à manches retroussées.

Près du feu

il écoutera de vieilles histoires

que le temps des embouteillages

ne lui avait jamais fait entendre.

Il sera un arbre seul

chez lui soudainement

enraciné dans la forêt

qu’il avait oubliée.

Plus tu lis de poèmes contemporains

plus tu aimes la poésie

me dis-tu

toi qui n'étais pas du tout

sensible aux vers aux images

à la technique sophistiquée

de certains poètes morts depuis longtemps

étudiés à l'école comme un médecin légiste

décortique un cadavre.

Et tu en conclus que justement

c'est parce qu'ils te parlent

de la vie que tu connais

et que tu n'arrives pas à vivre

comme tu voudrais

que tu les aime tant.

Quand tu racontes

que ce qui te reste

de tes dix ans

passés en taule

c'est de te lever tôt

et de boire

de la ricoré le matin

je me dis

que moi aussi

j'ai dû être prisonnier

un jour.