Coupé en deux parties égales

par une branche d'arbre

juste en face de mon bureau

le lampadaire déjà allumé de la rue

ressemble à une tête de chinoise

sans corps suspendue au-dessus

de la haie bien taillée du jardin.

Elle ressemble à un fantôme

hantant mes rêves

depuis que je l’ai créée.

C’est un esprit qui court

et que je ne parviens pas

à saisir comme je le voudrais.

Il me manque les mots

pour dire combien je suis frustré

d’être imparfait dans ma création.

Qu’est-ce que la littérature

sinon l’accumulation de testaments

trahis par la volonté dévorante

et destructrice de créer de ses auteurs ?

Tous sont destinés à l’humanité entière.

Le point commun entre les livres

que j’ai lus et ceux que je rêve

de lire un jour

est dans la nature de l’héritage

qu’ils m’ont légué ou qu’ils me légueront :

d’une valeur non vénale

mais au contraire

humaine m’incitant à vivre

encore plus pleinement

les moments vides de la vie.

Je me rends compte

de plus en plus

que j’écris sur la lenteur

alors que je suis plutôt

expéditif dans la vie.

Je construis un monde

et vis dans l’espoir

de ne jamais être dérangé.

Je me protège derrière ma fiction.

Je m’exhibe avec elle.

Je me retire discrètement

du monde réel

pour rechercher avec elle

l’inconnu qui me rendra différent.

Ce sont des êtres

pondus par le soleil

un jour de pleine lune

que j’ai voulu dépeindre

mais je ne suis pas certain

d'y être parvenu

totalement.