•  

     

    Savoir que je suis frôlé tous les jours par des êtres réincarnés me plaît. Ils sont nos semblables déguisés. C’est pour cette raison qu’ils nous collent sans cesse. On est tous poursuivis par des mouches allant et venant sans qu’on n’y puisse grand chose. On a beau les chasser, elles reviennent. Ceux qui les tuent n’en sont pas moins débarrassés pour autant : un jour ou l’autre, elles réapparaissent, et cette fois-ci, elles sont encore plus nombreuses et déterminées qu’avant leur destruction. Ce sont les bêtes de l’au-delà et elles se nourrissent en partie de contacts avec l’éphémère d’ici bas.

     

     

     

    Blogmarks

    votre commentaire
  •  

     

     

    Puis, dès que j’ai commencé à recouvrer mes esprits, plus rien. Le voile avait disparu. Il ne restait plus que d’épaisses volutes avançant lentement dans le ciel bleu sans le moindre bruit de vie autour de moi. Sur le coup, je croyais bêtement que j’étais mort et déjà arrivé dans les limbes de la délivrance. J’ai secoué la tête et délicatement, une mouche est venue se poser sur ma joue. Etait-ce un baiser des nues permettant d’attendre plus patiemment le jugement divin ? Mais qu’avais-je donc à penser à dieu ? L’idée d’y songer était-elle à ce point si forte qu’elle balaya subitement toutes mes convictions agnostiques d’être humain installé dans un purgatoire auquel il ne s’attendait pas ?

    Une fois les mouches revenues dans la chambre, je me suis aperçu qu’elles n’avaient plus rien de céleste. C’est dans cet état d’inconscience que j’ai échappé au pire. L’attente d’un dieu venu de je ne sais où devait être un reste mal digéré de mon enfance bigote que le sentiment d’être mort avait ravivé.

     

    J’ai la naïveté d’imaginer qu’une fois mort l’homme se transforme en mouche. D’où peuvent-elles bien venir si ce n’est de cimetières plus ou moins lointains ? J’ai beau chercher des nids, je n’en trouve aucun.

     

     

     

     

     

    Blogmarks

    votre commentaire
  •  

     

     

    Il y a dans leurs yeux des milliers de couleurs qui clignotent identiques à celles que je regardais, fasciné, dans les kaléidoscopes de mon enfance. Dès que j’en sens une sur moi en train de courir, je frisonne. J’ai appris à leur contact à développer mes sens dans la plus grande des discrétions et sans savoir moi-même qu’ils étaient aussi sophistiqués.

    Les mouches représentent l’inconnu à portée de main. S’en approcher jour après jour, c’est quitter lentement le monde tangible qui sans cesse me rappelle à l’ordre. Je suis tiraillé entre le besoin de voyager vers cet autre univers et le désir d’aimer encore plus fort Sophie.

    J’arrive à faire la part des choses : je sais que je l’aime et je suis conscient que les mouches ne sont qu’une passion liée à une découverte récente. Mais jusque quand vais-je garder la tête sur les épaules ? L’équilibre auquel j’aspire tant ne doit-il pas se payer un jour ou l’autre ? Quel prix suis-je capable de mettre pour l’atteindre ?

    Cela me fait penser à ma mésaventure d’hier où j’ai failli mourir défenestré. J’ai senti des ailes me pousser sur les épaules. Je suis monté sur le rebord de la fenêtre pour rejoindre mes amies les mouches : elles m’appelaient. Je me souviens encore de leur appel ; leurs cris étaient stridents. Elles voulaient que je les suive, que je quitte définitivement Sophie et que je rentre dans leur mystérieux royaume. C’est vraiment au dernier moment que j’ai reculé. J’ai eu une vision. Comme dans un cauchemar : le vide attire quand on veut voler et il devient si profond et invisible, qu’on se réveille en sursautant. J’ai fait un bond en arrière au lieu de me laisser tomber en avant. Les mouches étaient parties. J’avais l’impression qu’elles étaient dehors à m’attendre. Une espèce de brouillard opaque voilait l’horizon. On aurait dit un nuage d’au moins plusieurs milliers de silhouettes noires ailées, qui dans un surplace spectaculaire, vrombissait d’impatience et de délectation. 

    ( Extrait d'un roman inédit et achevé La maison des mouches )

     

     

     

     

    Blogmarks

    votre commentaire
  •  

     

     

    Je me demande souvent

    ce que j’attends

    et suis bien incapable au fond

    de dire si c’est un truc

    une chose

    un bidule

    ou plutôt je suis convaincu sur le coup

    je sais ce que j’attends.

    Et puis après

    une fois que je l’ai

    ça recommence

    alors que l’attente devrait se calmer

    quand on finit

    par avoir ce que l’on veut

    que l’on est heureux.

    Mais non

    faut qu’à un moment ou à un autre

    l’attente revienne

    telle une mouche pondeuse

    partout ses œufs en train d’éclore

    des bruits de grouillements impatients

    d’avoir des ailes

    de voler de se poser

    de repartir l’abdomen plein de petits

    lourd et voyant même en plein sommeil.

     

     

     

    Blogmarks

    votre commentaire
  •  

     

     

    Le temps de préparer

    un bol au micro-onde

    le soleil se tord derrière la vitre

    et les oiseaux se mettent à voler

    comme après un tremblement de terre

    ou un film qu’Hitchcock

    a un jour rêvé de tourner.

     

     

     

     

    Blogmarks

    votre commentaire