Je ne dirai rien

de ce discours ampoulé

amphigourique alambiqué

abscons prétentieux

et intimidant au fond

qu’ils ont tous applaudi

comme si c’était

une référence rhétorique

une prouesse de comédien

une performance artistique.

(Je ne dirai rien)

Je ne dirai rien

de cette ombre

entraperçue

au détour d’un magasin

et que j’au cru reconnaître

sans en être sûr

mais qui me poursuit encore

deux ans plus tard

régulièrement.

(Je ne dirai rien)

Je ne dirai rien

de ce prisonnier

tout juste libéré

après une très longue peine

un sac en plastique

à la main

se dirigeant d’un pas décidé

vers une femme

qui l’attend dans une ruelle

un peu plus loin.

(Je ne dirai rien)

Je ne dirai rien

de cette lettre anonyme

reçue un jour de pluie

par une fillette

alors qu’elle venait

d’avoir huit ans

et qui l’a fait pleurer

toute la journée.

(Je ne dirai rien)

Je ne dirai rien

de ces voyageurs

qui se croisent

dans les gares

les larmes aux yeux

sans bagage.

Je ne dirai rien

de ce bal d’hirondelles

au début de l’été

toutes contentes

de retrouver

leurs repères.

Je ne dirai rien

de ce pin abattu

infesté de chenilles processionnaires

et découpé à la tronçonneuse

par le bucheron habitué

à faire du bruit

dans la nature

et les jardins.

Je ne dirai rien

du lait bouillant

débordant

de la casserole

juste avant

la fabrication

de la crème pâtissière

pour remplir les choux

tout juste sortis du four.

(Je ne dirai rien)