•  

    quels sont ces sentiments

    naissant un peu partout

    sans lieu d’être comme

    si le cœur avait besoin

    d’être un papillon à vire-

    volter à se poser où il veut ?

     

    je ne suis rien qu’un ours

    aux rêves frais sortis d’un

    lit sans couverture le poil

    brun hirsute et le costume

    du dimanche à piquer les

    jambes et les mensonges

     

    il n’y a rien de mieux à

    faire que de ne plus être

    humain seulement se dire

    au fond que vieillir c’est

    avoir les lunettes qu’on

    aurait aimé porter jeune

     

    qu’à se taire devant le vol

    des mouettes parce qu’elles

    chantent des chansons qu’on

    n’aurait pas crues et qu’au ras

    des toits les paroles sont des

    ricochets que l’eau traduit bien 

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  • On

     

    on met la table dans sa tête

    on boit un coup avec les poules

    on mange debout devant le film

    on chante n’importe quoi pour séduire

    on rit très fort que les rats partent

    on s’imagine des choses impensables

    on devrait être morts depuis longtemps

    on est toujours là avec nos déchets

    on les transporte toute la vie

    on se serre la main après

    on part dans son coin

    on s’endort pour de vrai

    on y repense au café

    on fait l’amour en pleurant

    on se réveille devant les arbres

    on se dit que quelque chose va arriver

    on traîne des pieds pour sortir

    on s’habille sans savoir pourquoi

    on dit qu’on est libre

    on a peur de se faire avoir

    on parle en lisant

    on sait que la langue est imprécise

    on ignore au lit les rêves de demain  

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  • pourtant aussi

    quand il y a tout

    quelque chose

    manque d’insondable

    que le temps creuse

    avec les gorges

     

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  •  

     

    à la cuiller le temps de faire

    un bol au micro-onde se tord

    le soleil derrière la vitre

    et les oiseaux au tremblement

    de terre volent comme dans

    un film qu’Hitchcock a un

    jour rêvé

     

    le tapis du petit déjeuner

    sans bruit se déroule

    à l’intérieur des bouches

    devant l’écran des restes

    d’images

    la mastication pense

    à de grandes constructions

     

     

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  •  

     

     

    c’est autre chose de plus

    enfoui de moins visible

    au temps des caravanes

    roulantes que je voudrais

    raconter où les enfants

    pleuraient sans cesse lors

    des voyages et vomissaient

    dès les premières minutes

    du poisson pourri dans des

    rêves et du lait caillé sur la lune

     

    quelque chose dont j’ignore

    le goût du hangar au sous-sol

    est là depuis l’aube jusqu’au

    crépuscule à vrombir dans tous

    les sens la soupe servie sans sel

    aux artères déjà connues

    pour leur sempiternelle

    cou serré quand vient l’heure

    des orgies et des attaques

     

    et la cocotte fait tourner la soupape

    dans la vapeur du monde en

    construction des songes déraillant

    sur les routes apprises par cœur

    et qui plus jamais n’existent

    hors des cuisines la bouche

    ouverte la main entre ici

    et ailleurs pour fabriquer

    des échafaudages le long des murs

    atteindre le dernier étage  

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