Que serions-nous

sans cet élastique au pied

relié à la pleine lune

que nous tendons

que nous tendons

le plus possible

à force de marcher

même à petits pas

histoire de connaître

nos limites et nos forces

face à nos impuissances

de plus en plus grandes ?

Que serions-nous

sans ces arbres et ces fleurs

qui ont poussé dans nos ventres

sans ces chemins de traverse

et ces immenses carrefours

sinon des pierres ternes

enkystées dans la glaise ?

Que serions-nous

sans ces fausses pistes

prises à la hâte

alors que nos nuits n’étaient pas

encore terminées

alors qu’elles nous réservaient

toujours de belles surprises ?

Que serions-nous

si nous n’avions pas bu

cette bière mémorable

ensemble à la terrasse

de ce bar rémois

où nous n’allions jamais

et qui ce jour-là

eut une saveur particulière

que je sens encore aujourd’hui

comme toi

quarante ans plus tard ?

Que serions-nous

sans toutes ces rencontres

faites n’importe où

au moment où nous

nous y attendions le moins

sinon des poupées

et des baigneurs

abandonnés par

une fillette capricieuse ?