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    Au cœur de l’hiver
    La fatigue se dilue
    Dans un parterre de bergénias
    Et l’énergie revient
    Poussée par des mimosas
    Au parfum de miel
    Enveloppant et délicat.
     
     
     
     
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    Accrochée au cou de son père, tel un ouistiti des mers, Julie grelotte. Les courants les font légèrement dériver sans qu’ils s’en rendent compte. Elle étoufferait presque son père dès qu’une vague un peu plus haute que la précédente les soulève doucement. Damien se sent plus fort, même s’il a autour du cou le poids de sa fille de quatre ans grelottant de froid et qu’il embrasse sur les joues - salées et rougies d’émotion - pour la rassurer. La peur du petit animal s’exprime.
    La mer est indifférente à la poésie des cœurs en train de chavirer.
    Près d’eux des enfants chahutent, se lancent avec leur planche sous le ventre dans la gueule des vagues ; elles les lèchent ou les dégueulent un peu plus loin du point où ils se sont élancés. Julie regarde ce spectacle suspendue au cou de son père. Elle rêve secrètement de devenir un jour aussi grande que ces véliplanchistes en herbe, d’éprouver comme eux de nouvelles sensations et d’être enfin moins tendue dans l’eau - avec néanmoins son père toujours à ses côtés prêt à la repêcher en cas de pépin.
    La peau blanche de Julie sur le corps bronzé de Damien ressemble à un bavoir pour bébé géant. Nichée dans son cou, Julie sanglote : elle a froid. Les vagues sont de plus en plus hautes et l’océan se déchaîne. Une petite dernière avant de rentrer, lui susurre Damien à l’oreille. Le mur que forme la vague s’élançant devant eux l’effraie. Elle est exceptionnellement gigantesque. Inattendue. Trop tard pour reculer. Julie ferme les yeux depuis longtemps. Elle refuse de voir cette dernière montée l’engloutir. Blottie contre son père, elle n’espère plus qu’une seule chose : qu’il continue à être solide comme un roc au moment où la vague arrivera.
    Tels des bouchons humains largués au large de l’océan, Damien et Julie flottent au sommet de la vague et redescendent en criant. Elle tremble de tout son corps et ne veut plus lâcher son père. Il l’embrasse sur ses cheveux plaqués en arrière mais rien n’y fait : elle poursuit sa crise de larmes. Ils rejoignent doucement la plage, lui avec son ouistiti en sanglots suspendu à son cou et elle avec son affreux père entre les bras qui n’a pensé qu’à lui en voulant l’emmener dans l’océan, sans songer un seul instant qu’elle pouvait être traumatisée avec de pareilles vagues rentrées à jamais dans son corps, dans ses veines, dans son cœur et dans sa tête.
    (Notes prises pour un film qui ne verra jamais le jour)
     
     
     
     
     
     
     
     
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    J’aimerais que mon film soit le plus simple possible et qu’il raconte l’histoire d’un regard de père sur chacun de ses enfants. Un film qui serait une espèce de contrepoids à l’angoisse lancinante de passer à côté d’eux sans avoir vraiment su qui ils étaient. Je voudrais ne pas me tromper. Etre certain que l’accompagnement que je leur propose ne les freine pas, ne les handicape pas, ne les frustre pas, ne les dérange pas dans leur vie future. Je voudrais me servir de mon art pour m’offrir une deuxième chance peut-être illusoire d’être meilleur.
    Avec Julie j’explore les frontières d’un personnage que j’aimerais présenter différemment. En la filmant quand elle discute avec son père, je ne sais plus si c’est elle que je regarde ou une image d’elle - fabriquée par ma caméra - que je ne peux pas éviter. Je lutte constamment entre le désir de rejouer la scène et l’envie de la laisser telle quelle. Après tout, le cinéma ressemble à une congélation de cristaux d’images gardées dans le formol de la pellicule. Il conserve des ratés, des étincelles, des ombres appartenant à quelqu’un d’autre que le personnage dont le cinéaste a voulu saluer la mémoire.
    Pauline ne se reconnaîtra jamais dans le portrait que je fais d’elle. Je conçois un peu cet exercice comme un dessin de mon imaginaire que j’adresserais à la part la plus éloignée d’elle-même qu’elle ne connaît pas encore.
    Mon film sortira du souterrain ma vision timide que j’apprivoise grâce à la caméra. Sans elle, mes enfants ne seraient jamais ceux que j’ai eus avec le silence.
    ( Notes prises pour un film qui ne verra jamais le jour)
     
     
     
     
     
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    C’est vraiment un film sur l’autopsie d’une relation père-enfants que je veux réaliser. Peu importe que la fratrie ne soit jamais réunie dans mon projet. Le plus important pour moi c’est de filmer le rapport particulier qu’un père a avec chacun de ses enfants, et non pas un film sur la famille. Ce serait autre chose dans ce cas-là. Inintéressant.
    Chaque enfant est unique et c’est ce que je veux célébrer dans ce long métrage. Pour y parvenir j’éviterai la contamination des réunions familiales où chaque membre joue un rôle et chacun est en représentation, en situation de défense face à l’infection causée par le groupe.
    En revanche explorer au quotidien les différentes facettes de leur monde souvent impénétrable m’attire. Quand je crois en saisir une partie, elle se dérobe sous mes yeux, m’entraînant alors dans des chemins sur lesquels je ne me serais jamais aventuré seul.
    Mes enfants m’aident à franchir des pas : ils me conduisent petit à petit vers des sommets que je ne me représentais pas avant que je devienne père.
    Ils incarneront l’espoir face aux valeurs mourantes du père ignorant où il va, mais n’en devient pas pour autant plus impatient, bien au contraire. À force d’abandonner ses principes d’homme – faussement - libre et toujours à la hauteur, je voudrais qu’il apparaisse comme un sage délivré des discours ambiants et prêt à s’adapter à toutes les situations.
    ( Notes prises pour un film qui ne verra jamais le jour )
     
     
     
     
     
     
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  • C’est le moment du film où Damien - mon personnage principal - s’aperçoit que sa fille est un être à part entière capable à lui seul de susciter des émotions sans l’aide de personne. Complètement autonome, elle exprime sa personnalité, celle qu’il ne lui connaissait pas avant de la voir jouer sur scène.
    La gêne qu’il ressent est davantage liée au choc qu’il a reçu en la découvrant aussi experte et sensible. Voilà ce que je dois arriver à filmer dans cette histoire : la partie sensible des enfants, celle qui n’est pas toujours évidente à déceler.
    Mon film tournera autour de cette idée selon laquelle l’éducation est également une aventure raffinée vers le royaume caché et protégé de la sensibilité des enfants qu’on met au monde. Les parents sont trop souvent obnubilés par l’intelligence et la beauté de leur progéniture pour voir autre chose de plus précieux mais invisible chez eux que le temps ne cesse d’embellir.
    Si seulement en tournant mon film j’arrivais un peu mieux à comprendre mes enfants, j’aurais réussi mon projet.
    Si seulement en tournant mon film je pouvais m’immiscer un peu plus à l’intérieur des fossés nous séparant eux et moi, des frontières nous rapprochant et de l’inconnu nous unissant, je me mettrais alors à croire que l’art a des vertus consolatoires.
    (Notes prises pour un film qui ne verra jamais le jour)
     
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