•  
     
     
     
    Il suffit d'une guerre
    pour que le prénom
    du copain de mon père
    quand il combattait en Algérie
    me revienne subitement à l'esprit
    en plein milieu de la nuit
    et avec lui son visage
    et celui de sa femme
    et de leurs deux enfants
    que je n'avais vus qu'une seule fois
    dans ma vie :
    lors de leur retrouvaille
    à Lomme dans le Nord
    il y a quarante-neuf ans.
     
     
     
     
     
    Blogmarks

    votre commentaire
  •  

     

     

    Je veux parler dans mon film de cette part d’insouciance - commune à tous les enfants – en cohabitation permanente avec le tempérament torturé de leurs parents ne désirant que ça, le bonheur de leur progéniture jusqu’à oublier le leur, dilué dans la liqueur du dévouement.

    Avoir un enfant gravement malade c’est vivre avec lui  dans une autre  dimension en toute clandestinité. Chacun dans sa bulle occupant le même monde où il essaie de montrer aux autres - étrangers pour lui - que la vie est normale.

    C’est cette ambiance que je voudrais réussir à traduire. Je ne sais pas vraiment comment m’y prendre. Ma caméra s’arrête au hasard de scènes du quotidien sans vraiment savoir ce que cela donnera à la fin et pourtant ces arrêts semblent incontournables. Je sens bien les limites de mon art face à la maladie de Stella.

    (Notes prises pour un film qui ne verra jamais le jour)

    Blogmarks

    votre commentaire
  •  

     

     

     

    Tout en longeant le chemin vers la forêt, ils continuent leurs discussions comme des gens sérieux attachés à comprendre un peu mieux le monde et ses origines. La moindre observation est suivie d’un pourquoi que Damien ne laisse jamais sans réponse.

    À peine sont-ils arrivés à l’orée du bois qu’une dizaine de limaces orange, bien dodues et luisantes de bave, espacées chacune de quelques mètres, se dirigent tel un cortège inattendu vers un point mystérieux.

    - On dirait que c’est l’autoroute des limaces, s’exclame Léa.

    - Tu as raison. Nous sommes sur l’autoroute des limaces où les dépassements ne sont jamais dangereux.

    - Pourquoi tu dis ça, papa ?

    - Parce que sur l’autoroute des voitures, il faut faire attention quand on veut doubler.

    - Pourquoi ?

    - Sinon on a un accident.

    - Les limaces elles auront jamais d’accident, elles, dis papa ?

    - Jamais d’accident d’autoroute à cause d’un dépassement mal anticipé. Par contre elles peuvent se faire écraser par un vélo, s’il n’a pas fait attention.

    - Comment on va faire ?

    - Croiser les doigts.

    - C’est pas grave !

    - Non c’est pas grave. C’est rare quand ça arrive.

    Voyant que Léa fronce les sourcils et qu'elle semble contrariée, Damien se sent obligé de la rassurer. Il la prend dans ses bras, lui embrasse le front et lui chuchote à l’oreille que des limaces écrasées il y en a tous les jours, que ce n’est pas grave du tout, dès qu’il y en a une de morte, une autre naît quelque part dans la forêt sans qu’on le sache.

    (Notes prises pour un film qui ne verra jamais le jour)

     

     

     

     

    Blogmarks

    votre commentaire
  •  

     

    Tout le monde dort en paix dans la maison. Damien en profite donc pour se lever sans faire de bruit. Contrairement à ses habitudes, il se dirige directement dans le salon déjà baigné de lumière à huit heures du matin, s’assoit dans le canapé en cuir et reprend la lecture de son livre qu’il avait laissé la veille au soir, juste après avoir couché Léa : elle s’était comme à l’accoutumé  endormie sur son ventre, sa joue tapie contre son torse, à l’écoute des battements lents et réguliers du cœur de son père.

    La table du salon est encombrée de bavoirs et peluches, de plusieurs magazines de cuisines, de trois quatre Monde échoués là par hasard et du biberon sale de la veille, oublié pour une fois.

    Il ne touche à rien, ne veut surtout pas réveiller sa fille : elle a eu une nuit très agitée. Ils ont dû, sa femme et lui, se lever encore à peu près vingt-cinq fois aujourd’hui. Comme les jours précédents. À cause de la tétine tombée de sa bouche, Léa pleure. Damien se demande encore comment ils font pour tenir le coup.

    (Notes prises pour un film qui ne verra jamais le jour)

    Blogmarks

    votre commentaire
  •  

     

     

     

    Les départs donnent des coups de vieux aux cœurs qui se quittent. Les mouvements de mains en signe d’au revoir, selon qu’ils sont adressés par les pères en direction de leurs enfants ou vice versa, sont différents et par conséquent difficilement traduisibles à l’écran. C’est là-dessus que je dois travailler : sur l’imperceptible.

    Et puis la part d’imagination de chacun de ces hommes restés à l’aéroport doit être assez visible mais également suffisamment opaque pour qu’on songe à leur vie secrète : elle voyage elle aussi, mais dans un autre véhicule que l’avion de leur enfant.

    Ce sont les restes de la séparation entre un père et sa fille par opposition au décollement des rêves d’une adolescente vers l’inconnu que je veux filmer. C’est ma conception de la vie. Elle se résume selon moi à une série de départs et de retrouvailles qui font grandir les hommes et épaissir les traits de leur union. Vols après vols, le ciel devient une  vraie piste aux étoiles que les pères aiment observer quand ils sont seuls et qu’ils pensent à leurs enfants. Ils ne sont plus depuis longtemps les bébés que leurs pères n’auraient jamais songé voir un jour sortir des entrailles de leurs femmes.

    La rêverie est constante quand on a des enfants. Mon film sera un hommage à cet aspect de la paternité rarement traité au cinéma.

    Sans cette parcelle d’égarement des sens – de part et d’autre, d’ailleurs - les relations seraient sans doute plus difficiles.

    ( Notes prises pour un film qui ne verra jamais le jour )

     

     

     

     

     

    Blogmarks

    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique