Dès que la nuit tombe

il chute avec elle

et le temps qu'il se relève

il est déjà seul

en compagnie du jour. 

A chaque fois

que je m’endors

les valises font du bruit

dans la nuit

on dirait qu’elles reviennent

d’un long voyage

et qu’elles me forcent

à me réveiller

mais je les laisse s’agiter

un sourire aux lèvres :

je connais leur cinéma

par cœur

et c’est ce qui me rend léger

au moment où

j’entre dans le monde 

des rêves.

la crème adoucit ta peau

semblable à un collage dans la cuisine

le bouquet de fleurs me fixe

Je réfléchis en même temps que toi à ce qui reste de nos rêves quand les années sont passées et qu’on demeure accrochés à une vision du monde bien plus fine et nuancée que de celle de nos vingt ans. D’ailleurs tu me répètes toi-même que tu ne voudrais pour rien au monde revivre ces années-là. Et moi aussi d’ailleurs : c’est une période de nos vies où nous avons dû ramer ramer et encore ramer pour avoir le sentiment d’exister. Nous pensions tous les deux - à un millier de kilomètres l’un de l’autre - que ça n’en finirait pas, qu’on ne saurait jamais vraiment qui on est au fond. Maintenant c’est un peu plus clair avec le temps, juste un petit peu plus mais suffisamment pour qu’on n’ait plus envie d’avoir à nouveau vingt ans. Extrait de Rivages intimes, éditions Jacques Flament.

Elle ne décrit rien

se contente de rester

allusive vague suggestive

et pourtant

c’est tout un monde

riche et nuancé

que je crois voir

pour la première fois

en la lisant