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    Le bruissement de leurs pieds nus sur le carrelage froid de la chambre a quelque chose de mystérieux et de silencieux à la fois. Ils se déplacent, s’immobilisent, s’allongent sur leur lit, parlent, se taisent avec naturel et volupté. Ils ressemblent à ces vieux couples immortels isolés dans leur antre natale que plus rien n’atteint. Leur unique présence suffit à elle seule à meubler comme par miracle l’espace impersonnel d’une habitation prêtée.

     

     

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    La mer transporte ses effluves

    jusqu’à la terrasse du bar

    où une jeune femme décide de venir finir sa journée. Les gens parlent à voix basse.

    Le soleil entame un long sommeil

    et se couvre déjà de rides orangées.

    Le spectacle de sa lente descente 

    derrière l'horizon lui rappelle

    qu’elle a déjà trente ans.

     

     

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    Ils n’ont pas besoin de bouger beaucoup les bras pour maintenir leur flottement à la surface de l’eau. On dirait qu’ils font partie du décor. On les confondrait presque avec les bouées tellement leur immobilité est saisissante. Bientôt ils rentreront à la nage, doucement et majestueusement. Puis, une fois arrivés, ils s’essuieront avec leur serviette. Le corps perlé de gouttes salées accrochées à leurs poils blancs s’ébrouera gentiment, sans brusquerie aucune jusqu’à ce qu’ils soient pratiquement secs. La minutie de leurs gestes s’accommodera bien de la chaleur de ces vacances d’été. Ils fronceront les sourcils et auront déjà oublié ce qu’ils viennent d’accomplir une minute auparavant. La routine et les habitudes entretiennent l’existence, contrairement à ce qu’ils pensaient lorsqu’ils étaient jeunes.  

     

    Ils se retrouvent dans ce qu’ils ont envisagé depuis longtemps et vivent avec en tête la même immuable perspective de l’avenir. Tout est déjà prêt. Le soleil les gonfle de vitalité et leur sèche la peau. Les quelques cheveux qui restent à ces messieurs, une fois sortis de l’eau, sont comme des brindilles de foin trempé que la brise a du mal à séparer. Les dames sont, elles, aussi coquettes que quand elles étaient jeunes. Elles se coiffent et se recoiffent, sans jamais oublier de s’enduire d’ambre solaire. Même à soixante-dix ans, il faut toujours plaire et elles ne peuvent pas s’empêcher de reprocher à leur époux leur négligence invétérée. En leur passant la main sur le crâne, elles se font vite pardonner. Ils prennent ça pour une caresse et elles jubilent au fond d’elles-mêmes d’avoir encore pu arriver à leurs fins.

     

     

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    Sa fenêtre reste ouverte comme la première nuit laissant ainsi se croiser les parfums crépusculaires et ses pensées nostalgiques. Parmi ces courants entrants et sortants quelques notes symphoniques se font tout juste entendre. C’est la musique du sommeil qui arrive ; celle dont elle ne se souviendra plus une fois réveillée. Tout se mélange dans sa tête. Une espèce d’opéra invisible, transporté par la brise marine prend le relais.

     

    Soudain, peu à peu la chambre s’assombrit. En contrepoint, elle entend la mélodie du départ redonner au rythme cadencé d’une marche funèbre, un élan apocalyptique. La reprise du thème initial intensifie l’effet  de débordement qu’elle pressent. La terre s’ouvre et offre ses béances au ciel médusé par la sensation d’explosion imminente. Les couleurs disparaissent. Tout devient limpide. La musique s’arrête. Seul un maigre filet de son flûté persiste. Il escalade les sommets ensoleillés du mont le plus fantastique de la terre en emportant avec lui l’avalanche harmonique. Puis, redescend, dans une fougue effrénée, les collines pentues et vertigineuses.

     

     

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    C’est l’heure de la journée où le soleil est le plus ardent et la mer la plus scintillante d’étoiles. Quelques ombres véliformes peuplent l’horizon droit comme un trait tracé à la règle. La limite entre la terre et l’eau est parfaitement bien dessinée sur le sable. Les mêmes repères existent sur cette île depuis des siècles et des siècles. Ni le silence contemplatif des pêcheurs au loin, ni le roulis lancinant des navires ne pourront changer l’ordre des choses. Au creux des petites vagues demeure  la gigantesque empreinte de l’ennui. Sa bouche, extérieurement discrète, gronde doucement, en même temps que la brise marine balaie dans son souffle le reste de la mer afin qu’elle repousse avec elle les reflets du soleil.

     

     

     

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